Plusieurs ethnies vivent et développent une culture commune sur cette terre méridionale. Particulièrement à travers l’échange et l’acculturation culinaire, chacune d’entre elles essaie de protéger son identité, d’enrichir et de diversifier ses recettes, c’est aussi le cas des pâtisseries traditionnelles du Sud.
Nos ancêtres profitent de l’environnement naturel et des ressources d’ingrédients existantes comme riz, riz gluant, patates, tubercules…pour confectionner des gâteaux à la fois délicieux et toniques. Pour les Vietnamiens, les pâtisseries font l’objet non seulement d’une dégustation mais aussi d’un échange culturel. Le Sud compte actuellement environ 100 types de gâteaux traditionnels très variés : sucrés, salés, farcis ; enveloppés ou nus ; de plusieurs formes (ronds, plats, carrés, pyramides, cylindriques). C’est la situation économique, culturelle et sociale de chaque localité qui décide la dégustation des gâteaux traditionnels : pour les repas principaux, pendant le travail, comme un entremet, comme un dessert…sans oublier les gâteaux de culte.
Les bánh tét (gâteaux de riz gluant en forme cylindrique), bánh ít (gâteaux de riz gluant en forme pyramide), bánh ú (autre sorte de gâteaux de riz gluant en forme pyramide), bánh bò- gâteaux moelleux (sorte de génoise à la vapeur) servent d’offrandes aux ancêtres et aux génies lors de l’anniversaires de décès et pendant les jours de Tết.
En avril, on prépare des haricots mungos pour la soupe sucrée à présenter sur l’autel des ancêtres lors de la fête de mi- année.
(chanson populaire)
Portant une assiette de gâteaux moelleux, je prie monsieur la Soie et madame la Lune de tisser notre mariage.
(chanson populaire)
A l’époque, c’était des recettes simples : gâteaux englobés dans des feuilles de jaquier, dans des feuilles de bambou, dans des feuilles de cocotier ; bánh bèo gâteau de riz … Tout au long de la cohabitation, et de l’acculturation, chaque ethnie acquiert l’essence culturelle des autres pour enrichir sa propre culture. Grâce à ce croisement, les gâteaux traditionnels sont devenus riches et diversifiés. La majorité des habitants du Sud apprécient les légumes et les épices naturelles à la fois délicieux et avantageux pour la santé. Le trait typique des gâteaux traditionnels du Sud vient des ingrédients de base comme le riz, le riz gluant, les céréales, la pâte de riz ou de riz gluant farcie, et de la cuisson au feu de bois. Les gâteaux traditionnels du Sud sont connus du pays entier, on peut en citer plusieurs : galettes de riz Mỹ Lồng, soufflé de riz Sơn Đốc ; gâteaux de riz gluant violets (Cần Thơ) ; gâteaux de riz gluant Trà Cuôn (Trà Vinh) ; gâteaux aux pousses de soja Gò Công … La gastronomie khmère est aussi très variée avec le cốm dẹp om boc (grains de riz gluant jeune pilés, grillés et débarrassés de leurs balles), gâteaux Cà Tum en forme de grenade, bánh dứa (gâteaux à l’ananas), gâteaux moelleux au sucre de palmier, gâteaux en forme de tube. Les Chinois sont aussi fiers de leur gastronomie avec bánh hồng đào en forme de pêche, bánh pía - (préparé à base de durian, d’haricots mungo et de jaunes d'œufs), gâteaux au sésame, bánh củ cải gâteaux au navet, bánh hẹ gâteaux à la ciboulette chinoise. Les Cham d’An Giang, quant à eux, ont les Đin-pà-gòn (du riz gluant au lait de coco mis en tube de bambou) et les Ha-nàm-căn (gâteaux en forme conique à base de farine, d’œufs, de sucre de palmier).
Râpe à noix de coco, noix de coco, ustensile et ingrédient indispensables dans la confection des gâteaux traditionnels du Sud. Photo : Duy Khôi
Chaque type de gâteaux traditionnels est lié à une belle histoire sentimentale. En les dégustant, on y retrouve de l’affection et l’âme du village natal. Des gâteaux traditionnels sont donc présents dans la poésie :
Tu te marieras,
Qui m’invitera des gâteaux aux pousses de soja de Chợ Giồng ?
Ou:
J’offre cette assiette de gâteaux moelleux
A un candidat du concours, sans que mes parents le sache.
***
Plateau de gâteaux de campagne. Photo : Duy Khôi
Nombreux spécialistes ont affirmé que les Vietnamiens sont habiles, subtils et talentueux en art gastronomique. L’expert de la gastronomie Phillip Kohler a reconnu : “Le Vietnam est la cuisine du monde”. Dans l’ère de mondialisation, les échanges culturels entre pays, particulièrement en matière gastronomique sont intensifiés. La préservation de l’identité culturelle du peuple via l’art culinaire et de la dégustation est un sujet d’actualité. Pendant le processus d’acculturation gastronomique riche et multiethnique comme à l’heure actuelle, les Vietnamiens restent adeptes de leur tradition culinaire. C’est dû à la convergence du plus raffiné et subtil de la gastronomie de chaque région, de chaque ethnie, au choix et à l’harmonisation habile et créative des artisans compétents que les gâteaux traditionnels sont préservés pour la diversité sans que l’identité locale ne se perde. Pendant le temps de défrichement de nouvelles terres, la pâte des premiers gâteaux était simplement englobée dans des feuilles de bananier, de cocotier, de bambou, de feuilles de lá dong (Phrynium placentarium), de feuilles de mật cật (Rhapis excels) ou étalée sur des feuilles de jaquier et de bambou. Les carrés de nem chua, (une préparation de porc fermenté) ou le nem bì (du porc finement râpé mélangé avec la peau de porc cuit et déchiqueté) étaient englobés dans des feuilles de lá dong et des feuilles de girembellier. D’autre part, on utilisait des racines et tubercules pour la désinfection et la prévention des moisissures alimentaires. Ce sont des expériences précieuses vécues de générations en générations. Pour la confection des gâteaux, nos ancêtres devaient décortiquer du paddy, pilonner du riz, pétrir, presser et modeler la pâte, griller et cuire les gâteaux à la vapeur…Chaque localité et ethnie a par exemple, sa propre méthode pour l’emballage des gâteaux de « feuilles de cocotier » : la plupart des gens englobent bien sûr ces gâteaux de riz gluants dans des feuilles de cocotier ; les habitants de Bến Tre utilisent des jeunes feuilles de palmier d’eau ; les Khmers, quant à eux, préfèrent les feuilles de palmier à sucre (ils les appellent « gâteaux Cà Tum »). Les gâteaux sont en général attachés avec des ficelles de jonc, de bananier ou de bambou et cuits dans des marmites en terre cuite au four à bois en terre cuite … C’est grâce à tout cela qu’on peut découvrir les saveurs naturelles, les couleurs vives et les traits subtils de chaque type de gâteau.
Festival des gâteaux traditionnels du Sud 2019. Photo : Duy Khôi
Les habitants découvrent et créent sans cesse de nombreuses recettes délicieuses et toniques. Le style gastronomique typique du Sud est toujours en relation avec son histoire, sa géographie et son climat. La gastronomie méridionale composée de plats ruraux, porte en elle l’originalité propre de la civilisation du riz inondé.
A l’heure actuelle, avec les progrès de technologies, la confection des gâteaux et la technique de l’emballage sont de plus en plus modernisées ; la préservation, la succession et la promotion des patrimoines gastronomiques sont pourtant très nécessaires. Il faudra d’abord faire revivre l’espace ancien avec les ustensiles traditionnels ; utiliser notamment des colorants naturels de base de légumes, tubercules et fruits ; éviter l’utilisation des sacs en plastique ou les ficelles contenant le plastifiant. Le remplacement des sacs plastiques par ceux en matière respectueuse de l’environnement est la tendance mondiale, or, il s’agit des valeurs préservées par les artisans des gâteaux traditionnels du Sud depuis plus d’une centaine d’années.
Source : Journal de Can Tho - Traduit par Trung Vu